


Publié le 03 Mars 2023
Par CÉCILE 21 heures plus tôt | Temps de lecture : 4 minutes
Copier le lien de l'article
Les locataires peuvent obtenir la restitution totale des loyers versés s’il y a manquement du bailleur à son obligation de délivrer un logement décent… Mais uniquement lorsque le logement est inhabitable. Une affaire récente vient de le confirmer. La bailleresse a néanmoins dû verser une somme conséquente aux locataires pour le trouble de jouissance qu’ils avaient subi.
Mme V. a donné à bail une maison moyennant un loyer mensuel de 670 euros, avec effet au 15 juillet 2018. L’état des lieux est établi le 17 juillet. Durant l’été, le couple de locataires, L. et N., constatent l’absence de ventilation mécanique contrôlée, une porte d’entrée gondolée par l’humidité, et l’apparition de moisissures dans le bien.
Ils font intervenir la bailleresse. Le rendez-vous se déroule mal et s’achève par une plainte à la gendarmerie. En septembre 2018, les occupants font appel à un huissier de justice. Ce dernier dresse un constat des désordres :
Les locataires pensent que cette situation est provoquée par l’absence de VMC et demandent à la bailleresse d’en installer une. Celle-ci n’installe ni ne répare rien.
Dès l’automne 2018, les occupants constatent aussi un problème d’isolation. À leur demande, Mme V. accepte de réaliser un diagnostic de performance énergétique. Ce dernier mentionne, notamment, une ventilation insuffisante. Dans son DPE, le diagnostiqueur préconise la mise en place d’une ventilation mécanique répartie (VMR). Le technicien signale également :
Il recommande de faire rapidement appel à un installateur électricien pour supprimer l’anomalie. L’installation présente, selon lui, des dangers d’électrisation voire d’électrocution. Les locataires quittent le bien en mars 2019 et entament une procédure pour diminution du loyer et des charges et/ou résiliation du bail et/ou dommages et intérêts.
La bailleresse fournit des attestations :
Ils attestent ne pas avoir constaté de problèmes d’humidité. Le constat d’huissier réalisé le 20 avril 2021 aboutit aux mêmes conclusions, malgré l’absence de VMC. D’après la propriétaire, le comportement des anciens locataires est à l’origine des moisissures. Elle affirme qu’elle n’a pas réalisé de travaux depuis le départ de L. et de N.
Mais d’une part, la première attestation renvoie à une période d’occupation antérieure de plus de 2 ans à l’arrivée du couple de locataires. D’autre part, les photographies du logement montrent que des travaux ont été effectués. À titre d’exemple, les fenêtres des sanitaires sont désormais pourvues de grilles d’aération. Enfin, L. et N. fournissent une attestation des locataires qui les avaient immédiatement précédés. Ces derniers ont été confrontés aux mêmes désordres qu’eux.
Le jugement retient un manquement du bailleur à l’obligation de délivrer un logement décent et d’assurer la jouissance paisible des lieux loués aux locataires. Il reste à déterminer le montant de l’indemnisation pour le préjudice subi par le couple de locataires. Le premier juge oblige la bailleresse à restituer la totalité des loyers versés, de l’entrée au départ des lieux, soit 5 457,26 €.
La cour d’appel infirme cette décision car le logement n’était pas inhabitable. Pourtant, par le passé, l’humidité excessive et la dangerosité de l’installation électrique ont été retenues pour justifier du caractère inhabitable du logement. D’un point de vue jurisprudentiel, l’inhabitabilité s’apparente à une absence de délivrance du bien immobilier. C’est la seule situation où il peut y avoir dispense totale du paiement du loyer (Cour d’appel de Rouen, RG n°16/01855, 1er juin 2017, par exemple).
En définitive, pour le préjudice subi pendant les 8 mois d’occupation, Mme. V. devra verser 2 500 euros. À cette somme s’ajoute le dépôt de garantie non restitué aux locataires et donc majoré, soit 3 216 €, et 2 500 € au titre des frais non compris dans les dépens de l’entière procédure.
Cour d’appel de Pau, 19 janvier 2023, n°21/01192