


Publié le 17 Mai 2024
"Découvrez les enjeux autour du monopole des géomètres-experts sur les États Descriptifs de Division (EDD) en copropriété, et les implications du célèbre arrêt de la Cour de cassation."
Depuis plus de 20 ans, des diagnostiqueurs peuvent se former à la réalisation des états descriptifs de division (EDD) en copropriété. Pendant longtemps, ils réalisaient parfois les plans, aux côtés des géomètres-topographes, des architectes et des géomètres-experts. Ces derniers ont toujours voulu imposer leur monopole sur ces missions. Depuis l’arrêt du 29 juin 2022 de la Cour de cassation, certains diagnostiqueurs s’estiment illégitimes pour rédiger des EDD. À tort ou à raison ?
La loi n°46-942 du 7 mai 1946, instituant l’Ordre des géomètres-experts, régit cette profession. Les géomètres-experts disposent d’un monopole légal sur les prestations listées au 1° de l’article 1. Ce sont les études et travaux topographiques qui fixent les limites des biens fonciers. À ce titre, le géomètre-expert réalise des plans de division, de partage, de vente et d’échange des biens, des plans de bornage ou de délimitation de la propriété foncière. Il doit être inscrit à l’Ordre des géomètres-experts (OGE).
Les géomètres-experts affirment que dans le cadre d’une copropriété, il leur revient de définir les limites entre les lots. Par conséquent, cette prestation relèverait de leur monopole légal. « Le notaire en charge du règlement de copropriété ne peut donc annexer à la minute de l’acte un plan établi par un autre professionnel », affirme le Conseil supérieur de l’OGE à Paris. Il ajoute : « un plan fourni par un autre professionnel n’a aucune valeur juridique. » Cette revendication s’appuie sur le principe de La Rochelle.
Daniel Labetoulle est l’auteur du principe de La Rochelle, énoncé lors du discours de clôture du 41e congrès de la profession de géomètre-expert en 2012. Le commissaire du gouvernement a déclaré : « L’établissement, et a fortiori la modification, d’un état descriptif de division d’une copropriété, dès lors que celui-ci est accompagné d’un plan dressé au vu de mesures précises, relève de la compétence exclusive du géomètre-expert. »
Cependant, cette affirmation n’a pas de valeur normative. De plus, la lecture du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955 pris pour l’application du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 permet d’en douter. En effet, dans l’article 71-3, par exemple, l’identification de la fraction de lot est « déterminée par la description de sa situation dans l’immeuble ou par référence à un plan ou croquis ». D’une part, il n’y a aucune obligation d’annexer un plan. La description avec des mots, littérale, suffit, même si le plan aide à visualiser. D’autre part, un croquis peut remplacer ce plan.
En mars 2017, la Chambre syndicale nationale des géomètres-topographes (CSNGT) a saisi l’Autorité de la concurrence (ADLC). L’objectif était d’établir le champ du monopole des géomètres-experts, source récurrente de contentieux. Dans son avis n°18-A-02 du 28 février 2018 relatif à la profession de géomètre-expert, l’Autorité écrit notamment, à la page 27 :
« Les modalités d’établissement de l’état descriptif de division de copropriété laissent aux propriétaires et copropriétaires une assez grande liberté dans le choix de la forme de l’état descriptif de division, état qui a pour objet de décrire et non de délimiter les biens fonciers. Il n’existe aucun texte réglementaire ou législatif imposant de recourir aux services des géomètres (experts ou topographes) pour réaliser les plans ou documents topographiques qui pourraient être annexés à cet état descriptif… »
D’ailleurs, elle propose de l’inscrire explicitement dans la loi. On y lirait que les plans et esquisses annexés aux EDD n’entrent pas dans le champ du monopole des géomètres-experts. Elle invite ainsi le Gouvernement à clarifier la situation. Nous attendons toujours ces clarifications. Entre-temps, il y a eu le célèbre arrêt de la Cour de cassation.
Le débat autour du monopole des géomètres-experts pour la rédaction des états descriptifs de division en copropriété reste ouvert. L’arrêt de la Cour de cassation du 29 juin 2022 et les avis de l’Autorité de la concurrence montrent que la situation n’est pas encore clairement définie. En attendant une clarification législative, la question de la légitimité des diagnostiqueurs pour ces missions continue de se poser.